|
Un bébé soumis à une mauvaise odeur, comme du beurre rance, détourne la tête, grimace et s'agite. C'est tout le contraire pour un nouveau-né baignant dans un parfum de vanille. Selon une étude française du Centre national de la recherche scientifique, menée au Centre hospitalier universitaire de Hautepierre, à Strasbourg, cette odeur détend les prématurés et les aide à respirer. Sa diffusion dans les couveuses a permis de diminuer de 36% les cas d'apnée.
Chaque odeur a sa réponse physiologique chez l'être humain, à l'exemple du froncement de sourcils au contact d'une senteur désagréable ou, à l'inverse, d'un léger sourire face à une fragrance fruitée. L'augmentation des pulsations cardiaques, le changement de la pression sanguine ou la modification de l'activité électrique cérébrale sont des réponses physiologiques beaucoup moins connues.
A Genève, au sein du Centre suisse en sciences affectives, un Pôle de recherche national, les scientifiques Sylvain Delplanque, physiologiste et spécialiste de l'activité électrique cérébrale, et Christelle Chrea, spécialisée en sciences de l'alimentation, cherchent à mesurer les émotions conscientes ou non liées aux odeurs. L'étude est financée, pour un montant inconnu, par le groupe genevois Firmenich.
La lavande et la fleur d'oranger ont-elles réellement des effets relaxants? Les agrumes et la menthe agissent-ils en tant que stimulants? «Dans la littérature, cela n'a pas encore été véritablement démontré», explique Sylvain Delplanque. Les deux chercheurs tentent d'y remédier. Plusieurs séries de tests seront effectuées. Les volontaires réaliseront différents types de mesures (hormonale, electro-cérébrale, pulsations cardiaques, température, irrigation sanguine) au contact de différentes molécules odorantes ou parfums. Ils répondront également à des questionnaires pour recueillir leurs déclarations ayant trait à telle ou telle odeur. Puis, les chercheurs compareront les réponses verbales et physiologiques pour tenter de mieux comprendre nos émotions.
«Le marketing d'un produit est lié à son emballage, à sa couleur, à son image mais aussi à son odeur», explique Maria Inès Velazco, vice-directrice de la recherche chez Firmenich, un groupe qui compte 4700 collaborateurs à travers le monde et qui produit des fragrances que l'on retrouve dans les eaux de toilette mais également dans les produits ménagers, les détergents, les déodorants d'ambiance ou les produits de beauté (LT du 23.10.2006). «Les résultats contribueront à mieux comprendre comment les consommateurs expriment leurs émotions lorsqu'ils sentent des parfums et, par conséquent, à mieux cibler nos développements pour mieux répondre à leurs attentes. Pour tenir compte des différences culturel les, nous projetons de réaliser cette étude avec d'autres populations dans le monde», souligne Maria Inès Velazco.
Mieux comprendre les émotions par l'odorat permet également d'affiner le marketing sensoriel. Avec quelques millions de cellules olfactives, l'être humain peut percevoir des milliers de fragrances différentes. Des cinq sens, il semble que l'odorat soit celui qui véhicule la plus grande valeur émotionnelle. Plusieurs expériences ont montré l'influence décisive des parfums sur le comportement des acheteurs. Des études ont prouvé qu'un effluve agréable pouvait brouiller la notion du temps chez le consommateur et modifier sa perception visuelle et gustative. Il serait enclin à passer plus de temps et à dépenser plus d'argent dans un lieu où il se sent bien, stimulé par une musique, une odeur, ou une ambiance générale agréable.
Dès lors, la diffusion de molécules odorantes dans les commerces devrait continuer de progresser. Le groupe français Leclerc a testé l'air iodé au rayon poissonnerie et des senteurs de produits de saison au rayon fruits et légumes. Les Galeries Lafayette utilisent régulièrement une odeur servant de «rampe olfactive» pour guider les clients à travers les étages du magasin. «Il a été démontré que la cannelle, couplée à des chants de Noël, fait mieux vendre au mois de décembre», conclut Christelle Chrea.
|